L'article de journal
Cet article est extrait du journal de l'époque. Vous verrez donc dans cet article des fautes d'orthographe, des erreurs sur les patronimes ( Drolot au lieu de Diollot, Broussard au lieu de Boussard) et également sur les noms des quartiers du village (Mex au lieu de Meix, Chavannes au lieu de Chevannes)
UN VILLAGE EN FLAMMES : Dix-sept Familles sans Abri (DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Autun, 17 avril 1914
La commune de Brazey-en-Morvan, située à trente kilomètres d'Autun, en bordure de la ligne du chemin de fer d'Autun à Cravant, a été anéantie par un formidable incendie qui, hier après midi, en moins de trois heures, a détruit une vingtaine de maisons et mis sans abri dix-sept familles. Il ne subsiste plus aujourd'hui que la maison d'école, la mairie, l'église et quelques rares habitations couvertes en tuiles qui s'érigent comme le squelette de ce village jadis si coquet et recherché des nombreux touristes qui visitent annuellement le Morvan.
Quand nous arrivons sur les lieux ce matin, une morne solitude règne sur ce coin de campagne. Dans les deux hameaux anéantis, Mex et Chavannes, ce sont des gens attristés, a demi vêtus, en face des ruines fumantes de leurs habitations qui, avec leurs récoltes et leur mobilier perdus constituaient leur seule fortune. C' est la misère implantée pour longtemps dans de nombreuses familles.
Voici les détails que nous avons recueillis sur ce sinistre : Hier, vers midi, un hameau de Mex, une fumée s'élevait soudain de l'habitation de M.Jacob Bureau et bientôt les flammes dévoraient la toiture en chaume. Le vent qui, sur ce plateau, soufflait en violentes rafales, arrachait d'énormes gerbes de paille enflammées, et, de ce premier foyer, s' échappaient des flammèches qui, retombant sur d'autres toitures en chaume, y communiquaient le feu. En moins de temps qu' il n' en faut pour le dépeindre, Mex flambait sur toute sa longueur, et le vent qui soufflait en tempête, sous un ciel pourtant idéalement pur, balayait tout, semant partout le feu. Peu après, le feu gagnait le second hameau, Chevannes, distant d'au moins trois cents mètres. La rapidité avec laquelle le fléau s' est propagé est vraiment incroyable. En quelques minutes, les habitations couvertes en chaume semblaient de véritables torches enflammées. Une épaisse fumée, aperçue de plus de dix lieues à la ronde et une chaleur torride qui se dégageait des nombreux foyers, rendaient impossible la tâche de la courageuse population qui essayait de sauver par-ci, par là, quelques meubles, un peu de bétail.
Nous nous rappelons au hasard une veuve, Mme Bureau mère de trois enfants, qui a assisté impuissante au sauvetage de ses meubles. Ceux-ci, quelques minutes plus tard, ont tous brûlé dans la cour de son habitation. elle est maintenant sans ressource. Le maire, M. Jacob, a préservé à grand peine sa maison des flammes qui, un moment, allaient gagner son fenil. A l'intérieur de sa maison, sa mère, âgée de 94 ans, infirme, ne pouvait quitter le lit. La femme du maréchal, Mme Belorgey, qui se sauvait, emportant dans un tiroir les économies du ménage, n'a pas eu la satisfaction de les sauver. Les flammes ont consumé en une seconde les billets de banque péniblement amassés. Une pauvre vielle, Mme Drolot, qui surprise par le feu, tentait d'emporter quelques papiers importants, a pu à grand peine être secourue par une fenêtre. Un instant, on craignit que le feu gagnât les bois voisins, ou plusieurs hectares auraient été certainement détruits. pluie d'étincelles.
Les secours arrivaient d'un peu partout. La pompe de Liernais était mise en batterie, mais que pouvait-elle contre ces vingt maisons, avec granges, écuries et dépendances, que dévorait un gigantesque incendie alimenté par un vent de tempête ? Les sauveteurs étaient terrifiés par la rapidité du fléau qui gagnait toutes les meules de paille, les tas de fumier même. Enfin, à quatre heures, le feu avait fait son œuvre. Les gens couraient un peu partout ; On se comptait, mais personne ne manquait à l'appel et on put se rendre compte qu'à côté de ces pertes énormes, l'incendie n'avait pas fait de victimes. Seuls quelques sauveteurs avaient été plus ou moins contusionnés.
Des premières constations, on n'a pu ressortir les causes du sinistre. Les uns disent que le feu a été communiqué à la maison Bureau-Jacob par une cheminée de four en mauvais état. D'autres allèguent une autre cause. Mais ce qui paraît à peu près établi, c'est que toute idée de malveillance paraît devoir être écartée. Les pertes s'élèveront à plusieurs centaines de mille francs. Plusieurs sinistrés ne sont qu'en partie assurés. La gendarmerie de Liernais a commencé son enquête qui sera laborieuse. Parmi les familles les plus éprouvées citons, au Mex : Bureau-Jacob, veuve Jacob, Bidaut, Broussard, adjoint au maire ; et à Chevannes : Bureau, Belorgey, maréchal ferrant ; veuve Pierre Bureau, Pierre Carré, Millot, Diollot, Perrin et Fléty-Diollot. Tous ont vu en trois heures leurs habitations, récoltes, instruments agricoles, mobilier détruits . Presque tout le bétail a pu être sauvé. fin de l'article
Grâce aux dons de bois de la famille Delagrange, le village sera rapidement reconstruit.